Directives anticipées : l’affaire Vincent Lambert

Trois ans de procédure judiciaire ont finalement abouti à une non-décision ce jeudi 23 juillet 2015 pour statuer sur le sort de Vincent Lambert. Vincent Lambert sera maintenu en vie… Jusqu’à quand ?

Les médecins du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Reims viennent de remettre leur décision à la famille : Vincent Lambert sera maintenu en vie !
Trois ans de bataille juridique autour d’une polémique sans précédent qui compte désormais sa propre page Wikipédia intitulée « L’affaire Vincent Lambert ».  Beaucoup d’affect s’est exprimé durant ces mois, tel un immense feuilleton médiatique autour du délicat sujet de la fin de vie et des directives anticipées.

Retour sur une problématique qui pourrait un jour concerner chacun d’entre nous.

L’histoire de Vincent Lambert

Au départ, c’était une belle histoire d’amour. Une histoire toute simple comme il en existe des millions sur la planète. Un homme et une femme qui s’aiment, qui vivent ensemble, entre le foyer qu’ils viennent de fonder, puis leur travail, leurs projets, les vacances, l’avenir.
Et puis un jour, tout bascule : l’accident. Ce jour de 2008, Rachel Lambert, l’épouse de Vincent Lambert, s’en souvient comme si c’était la veille. Sa petite fille était alors âgée de deux mois. Vincent se retrouve inconscient, cloué sur un lit, dans un état végétatif avancé. Fin 2012, l’équipe médicale du CHU de Reims ne note aucune amélioration. « Conscience minimale » est le terme employé pour décrire l’état général de Vincent Lambert, il présente en outre des  comportements pouvant être interprétés comme une opposition aux soins. C’est au début de l’année 2013 que le médecin chef de l’hôpital évoque alors  la possibilité du recours à la Loi Léonetti.

Directives anticipées, loi Léonetti, ce que dit la loi …

La Loi Léonetti dispose que tout citoyen majeur peut exprimer ses directives anticipées par lesquelles chacun évoque son refus d’un acharnement thérapeutique.  Toute personne majeure et en état de mentionner sa volonté libre et éclairée au moment de la rédaction peut rédiger ce document. Il est d’ailleurs désormais possible de le faire en ligne grâce au service « Mes volontés ».
Cependant, la loi ne propose pas à ce jour de modèle unique, ces dernières peuvent être posées par écrit sur une simple feuille blanche. Elles doivent néanmoins être datées, signées et mentionner les noms, prénoms, date et lieu de naissance. Le corps médical sera alors tenu de consulter la directive anticipée du patient qu’il aurait pu établir, moins de trois ans auparavant, dès lors que ce dernier se trouve dans l’incapacité de s’exprimer. Pour autant, à l’heure actuelle les directives anticipées ne sont pas opposables, elles doivent être consultées mais ne doivent pas être imposées.
« Si Vincent Lambert avait rédigé ses directives anticipées, nous n’en serions pas là » témoigne Jean-Luc Romero président de l’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD).

Combattre pour la vie ou combattre pour la mort ?

Ma mort m'appartient Jean Luc Romero directives anticipées

Ma mort m’appartient Jean Luc Romero directives anticipées

Pour Rachel Lambert, cela ne fait plus aucun doute, Vincent Lambert n’est plus là. La souffrance de l’observer quotidiennement dans cette situation est en revanche bien réelle. Elle accepte la proposition des médecins mais la procédure se voit annulée par le Tribunal Administratif de Reims : la famille et les parents de Vincent Lambert se rendent compte par le plus grand des hasards qu’ils n’ont pas été informé de la décision de l’hôpital d’arrêter  les traitements, il en résulte une saisine de la justice qui abouti à ce résultat.
Commence alors un long combat : ses parents qui refusent complètement d’arrêter les soins (le Juge administratif leur donnera raison en mai 2013 en ordonnant la reprise des soins).

La valse des réunions entre les deux parties de la famille (parents et épouse) reprend de plus belle et en janvier 2014, il est à nouveau décidé d’arrêter les soins. Ses parents ne comptent pas en rester là et en appellent au juge des référés : le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne estime que « la décision d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation du patient constitue une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la vie ».
Ultime recours pour Rachel Lambert  : elle fait appel de la décision devant le Conseil d’Etat qui doit alors se prononcer sur deux libertés fondamentales en causes :

  • le droit à la vie;
  • l’obstination déraisonnable (anciennement appelée acharnement thérapeutique).

Le 26 mai 2014, le Conseil d’Etat décide d’infirmer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et ordonne l’arrêt de l’alimentation et de l’ hydratation artificielle de Vincent Lambert. La juridiction administrative précise cependant que chaque cas doit être analysé en fonction de la situation du patient et rappelle les conditions imposées par la loi Léonetti du sur l’arrêt du  traitement médical. Cette loi autorisant l’interruption des traitements pour les malades « en fin de vie » ou faisant l’objet d’une « obstination déraisonnable ».

Directives anticipées - affaire Vincent Lambert

Directives anticipées – affaire Vincent Lambert

Le récit judiciaire ne s’arrête pas là. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie d’une demande de mesure provisoire par les parents de Vincent Lambert, signifie à la France de suspendre l’application de l’arrêt du Conseil d’Etat.
Enfin, le 5 juin 2015, la CEDH  valide l’arrêt des soins qui maintiennent artificiellement en vie Vincent Lambert. La Cour a en effet estimé que cela ne violerait pas les articles régissant le respect et le droit à la vie du patient.
Daniela Simon,  médecin-chef du service où est hospitalisé Vincent Lambert, adresse une lettre à tous les membres de la famille afin de les convier à un second conseil de famille le 23 juillet 2015, « dans le cadre de la procédure d’arrêt de traitement engagée au 15 juillet dernier ». « L’objectif de cette réunion sera, tout en tenant compte des constatations du Conseil d’Etat et de la Cour européenne des droits de l’Homme, de vous informer des conclusions de la procédure collégiale menée et de la décision que j’aurai prise ».

A en juger par la longueur, l’acharnement et la complexité de la procédure, on ne peut assimiler cela qu’à un combat. Un combat où chacun des adversaires prêche pour ce qu’il semble juste et évident, mais ironie du sort, un combat dont personne ne sortira vainqueur, quelle qu’en soit la décision.

Ce jeudi 23 juillet, les médecins se sont enfin prononcés. Mais que va-t-il advenir de cette décision ? Est-ce que cette histoire sera réellement terminée avec cette annonce ?
Et surtout, n’est-on pas face au risque de voir surgir dans les prochains mois ou les prochaines années, de nouvelles affaires similaires à celle de Vincent Lambert ? Peut-on envisager d’établir des lois pour des situations qui relèvent du cas par cas ?

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