La question peut paraître brutale, à la limite du tabou. En France, l’héritage est une sorte d’institution, une affaire de famille digne des plus grands feuilletons à rallonge. La France est un pays de droits et hériter en fait partie. On ne peut pas déshériter ses enfants. Mais s’il existe des lois qui protègent les héritiers potentiels, il existe aussi des démarches qui peuvent inciter les donateurs à s’organiser pour donner moins, ou pas du tout.
Pourquoi déshériter ses enfants ?
Il faut bien distinguer l’héritage qui est le patrimoine qu’une personne est supposée laisser après sa disparition, et ce même patrimoine dont elle peut disposer comme bon lui semble tant qu’elle est encore de ce monde.
Il peut y avoir un nombre incommensurable de raisons (bonnes ou mauvaises) pour ne pas avoir envie de laisser en héritage à ses enfants les biens que l’on a réussi à amasser tout au long d’une vie. Biens immobiliers, livrets d’épargne, or, bijoux, art, les complications en matière de successions sont souvent proportionnelles au montant final.
Certains parents ne souhaitent pas que leur patrimoine atterrisse sur le compte bancaire de leur gendre ou de leur bru avec qui les relations ont toujours été plus que compliquées. D’autres estiment que leurs enfants ont déjà une existence assez confortable et que leur argent pourrait être utile à d’autres causes.
Enfin, il existe bon nombre de familles où les relations ne sont pas au beau fixe, où les non-dits ont laissé la place à la colère, la tristesse et la rancune. Décider, pour X raisons, de « sanctionner » ses enfants en leur signifiant qu’ils n’auront pas le patrimoine sur lequel ils comptaient, c’est aussi une façon d’imposer son bon droit post mortem.
Chaque démarche reste personnelle et recèle des motivations qui doivent s’accompagner d’une absence de jugement.
Héritage : ce que dit la loi
En France, la loi est catégorique : il n’est pas possible de déshériter ses enfants. Il faut cependant apporter une nuance non négligeable à cette affirmation : il n’est pas possible de déshériter totalement ses enfants. On peut donc les déshériter partiellement c’est à dire ne leur apporter qu’une partie de l’héritage auquel ils auraient souhaité prétendre. Grâce à l’utilisation de la quotité disponible, il est possible d’avantager un enfant par rapport à un autre, et de favoriser un parent, une personne extérieure à la famille, une institution …
Tout ceci se résume dans l’article 912 du code civil :
« La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer par des libéralités. »
En d’autres termes : un héritage se compose d’une réserve héréditaire à laquelle le ou les héritiers peuvent prétendre. Dans le cas d’un enfant, il aura le droit à la moitié du patrimoine. Dans le cas de deux enfants, ils auront le droit chacun à un tiers du patrimoine. Trois enfants (ou plus) se partageront, au minimum, les trois quart du patrimoine.
La part restante est appelée « quotité disponible » et chaque parent peut décider lors d’un testament de léguer cette part à qui il l’entend.
Les solutions légales
Outre l’utilisation de la quotité disponible, il existe d’autres procédés bien légaux pour répartir son patrimoine comme on l’entend.
L’assurance-vie reste le moyen le plus simple pour transmettre son patrimoine à qui on le souhaite en évitant les frais de succession.
Enfin, il est aussi possible de laisser à ses enfants des dettes plutôt qu’un patrimoine (ce qui les contraindra de renoncer à l’héritage !). Ou encore de profiter allègrement de sa retraite en se servant dans le capital jusqu’à épuisement !
Ils ont décidé de ne pas transmettre (tout) leur patrimoine
Sting, l’ex-chanteur du groupe The Police, a déjà réglé ses dernières volontés : il refuse de transmettre la totalité de sa fortune à sa progéniture (estimée à plus de 180 millions de Livres Sterling, soit plus de 229 millions d’euros). Si ses enfants désirent vivre confortablement, alors il faudra qu’ils gagnent leurs revenus à la sueur de leur front.
Dans un registre un peu plus altruiste, on retrouve le mouvement lancé par Bill Gates, PDG de Microsoft et Warren Buffett, homme d’affaires américain. La campagne intitulée «The Giving Pledge» (traduire par «la promesse de don ») incite les plus grandes fortunes des Etats-Unis à faire preuve de philanthropie. Ainsi, Bill Gates ne laissera « que » 10 millions de dollars à chacun de ses enfants (soit environ 9 millions d’euros). 95% de sa fortune sera redistribuée à des associations humanitaires.
Depuis peu, Bill Gates a rallié à sa cause bon nombre de grandes fortunes américaines, telles que le réalisateur Georges Lucas, Mark Zuckerberg (le fondateur et PDG de Facebook) ou encore Tim Cook, CEO d’Apple, célibataire et sans enfants, et dont la fortune est estimée entre 120 et 800 millions de dollars. Il souhaite avant toute chose pourvoir à l’éducation de son neveu qui n’a encore que 10 ans. A sa mort, la totalité de sa fortune sera répartie dans des œuvres de charité. Selon la promesse, la donation peut s’effectuer soit durant la vie soit après la mort du donateur.
Une façon comme une autre de « déshériter » ses enfants !