Vers une exonération des droits de succession pour les héritiers des victimes du Covid-19 ?

Vers l'exonération des droits de succession pour les victimes du Covid-19

La nouvelle est passée un peu inaperçue dans le flot d’informations que les médias nous distillent quotidiennement. Se dirige-t-on vers une exonération des droits de succession pour les héritiers des victimes du Covid-19 ?

Virginie Duby-Muller, députée LR (Les Républicains) de Haute-Savoie a déposé le 7 avril dernier une proposition de loi destinée à «exonérer des droits de succession les héritiers de toute personne, membre du personnel soignant, décédée des suites d’une maladie contractée ou aggravée à l’occasion de son engagement direct contre l’épidémie de covid‑19».

Voilà Une idée qui pourrait de prime abord apparaître comme excellente, si elle n’appelait pas quelques petites interrogations.

Décryptage.

Quels frais de succession pour les héritiers de personnels soignants ?

Au 25 avril dernier, le corps médical recensait pas moins de 25 personnes décédées depuis le début de l’épidémie de Covid-19.

Médecins généralistes ou urgentistes, infirmiers, aides-soignants, agents hospitaliers ou encore cadres de santé, il est fort probable que ce chiffre soit bien éloigné de la réalité.

Durement éprouvé ces dernières semaines, le corps médical  pourrait donc se voir attribuer le statut particulier de « mort pour la nation », un statut qui existe déjà pour bon nombre de professions telles que  sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes et agents des douanes ou de civils victimes de guerre ou du  terrorisme.

Cette loi viendrait alors compléter un article sans doute méconnu du grand public et qui détaille cette exonération de frais de succession : l’article 796 du Code général des impôts

Que dit l’article 796 du Code Général des Impôts ?

Ci-dessous l’article en entier dont la dernière modification date du  Décret n°2017-698 du 2 mai 2017

I. – Sont exonérées de l’impôt de mutation par décès les successions :

1° des militaires des armées françaises et alliées, morts sous les drapeaux pendant la durée de la guerre ;

2° des militaires qui, soit sous les drapeaux, soit après renvoi dans leurs foyers, seront morts, dans les trois années à compter de la cessation des hostilités, de blessures reçues ou de maladies contractées pendant la guerre ;

2° bis Des militaires décédés lors de leur participation à une opération extérieure ou à une opération de sécurité intérieure mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 4138-3-1 du code de la défense ou, dans les trois années suivant la fin de celles-ci, des blessures reçues ou des maladies contractées pendant ces opérations ;

2° ter Des militaires décédés dans l’accomplissement de leur mission ou des blessures reçues dans les mêmes circonstances, attributaires de la mention  » Mort pour la France  » prévue à l’article L. 511-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ou de la mention  » Mort pour le service de la Nation  » prévue à l’article L. 513-1 du même code ;

3° de toute personne ayant la nationalité française ou celle d’un pays allié dont le décès aura été provoqué, soit au cours des hostilités, soit dans les trois années à compter de la cessation des hostilités, par faits de guerre suivant la définition qui en est donnée pour les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre ;

4° des personnes décédées en captivité ou des conséquences immédiates et directes de leur captivité dans le délai prévu au 2°, après avoir été internées pour faits de résistance ;

5° des personnes décédées au cours de leur déportation ou des conséquences immédiates et directes de leur déportation, dans le délai prévu au 3° ;

6° des militaires et civils décédés en Afrique du Nord, victimes d’opérations militaires ou d’attentats terroristes ;

7° des personnes décédées du fait d’actes de terrorisme visés à l’article L. 113-13 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ou des conséquences directes de ces actes dans un délai de trois ans à compter de leur réalisation ;

8° Des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires décédés en opération de secours ou des blessures reçues dans cette opération, cités à l’ordre de la Nation ;

9° Des policiers et des gendarmes décédés dans l’accomplissement de leur mission ou des blessures reçues dans les mêmes circonstances, cités à l’ordre de la Nation ;

10° Des agents des douanes décédés dans l’accomplissement de leur mission ou des blessures reçues dans les mêmes circonstances, cités à l’ordre de la Nation.

II. – Abrogé.

III. – L’exonération de l’impôt n’entraîne pas la dispense de la déclaration des successions. Elle est subordonnée à la condition que cette déclaration soit accompagnée :

1° Dans les cas visés aux 1°, 2° et 2° bis du I, d’un certificat de l’autorité militaire constatant que la mort a été causée par une blessure reçue ou une maladie contractée pendant, selon le cas, la guerre ou l’opération extérieure ou de sécurité intérieure mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 4138-3-1 du code de la défense ;

2° Dans les cas visés aux 3°, 4°, 5° et 6° du I, d’un certificat de l’autorité militaire ou civile compétente établissant les circonstances du décès.

On s’interroge  sur l’alinéa 2ter du paragraphe 1 qui parle de « morts pour la nation » . Est-ce qu’une nouvelle mention pourrait s’ajouter en 11ème position en ces termes évocateurs : « des personnels de santé décédés dans l’accomplissement de leur travail depuis le début de l’épidémie de Covid 19 » ?

Cependant, si la démarche de cette députée reste louable, on est en droit de se demander si cette exonération ne devrait pas concerner tous les héritiers des personnes décédées « dans l’exercice de leurs fonctions » depuis le début de l’épidémie de Covid-19. En effet, au même titre que les soignants et autre personnels de santé qui ont déployé toutes leurs ressources pour que le système hospitalier ne sombre pas, d’autres professions sont restées en première ligne pour continuer à assurer aux citoyens français une vie confortable. On peut parler des éboueurs, caissières, livreurs, personnels de municipalités, facteurs, enseignants et tant d’autres. Combien d’entre eux ont contracté ce virus dans l’exercice de leurs fonctions ? Combien y ont laissé leur vie ou se battent actuellement dans un service de réanimation ?

Des chiffres encore inconnus à ce jour.

Pupilles de la nation, qu’est-ce que c’est?

Philippe Gosselin, député Les Républicains de la 1ère circonscription de la Manche est signataire de cette proposition de loi. Il va même plus loin dans le sujet en proposant d’attribuer à ces héritiers du personnel soignant le statut de « pupille de la nation ».

Initialement créé à la fin de la première guerre mondiale, ce statut permet de subvenir aux besoins des enfants dont au moins l’un des deux parents a été tué durant la guerre. L’Etat adopte  l’enfant orphelin de père, de mère ou des deux parents et veille à ce qu’ils ne manquent de rien.

De nos jours le statut s’est un peu modifié. Il dépend de de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ONACVG),  ce même organisme qui gère les aides accordées aux victimes du terrorisme et à leurs proches.

Peuvent prétendre au statut de pupille de la nation :

  • Les enfants ou adolescents de moins de 21 ans.
  • Eux-mêmes victimes de guerre ou d’acte de terrorisme.
  • Ou bien ayant perdu l’un de leurs parents, ou les deux.

Un enfant peut donc se retrouver pupille de la nation en ayant toujours ses parents vivants.

Dans  l’article L411-5 du Code annoté des Pensions Militaires d’Invalidités, on peut lire la mention suivante :

La qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants :

  1. Des magistrats, des militaires de la gendarmerie, des fonctionnaires des services actifs de la police nationale et des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et des douanes tués ou décédés des suites d’une blessure ou d’une maladie contractée ou aggravée du fait d’un acte d’agression survenu :

a) Soit au cours de l’accomplissement d’une mission de sécurité publique ;

b) Soit lors d’une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction

Il semblerait donc tout à fait logique que ce statut soit accordé aux enfants de soignants et de toute autre corps de métier qui se soit retrouvé en première ligne face à cette épidémie. Toutes celles et ceux qui ont en quelque sorte contribué à notre confort et à notre sécurité publique.