Donner son corps à la science * Léguer son patrimoine immobilier, ses comptes bancaires et ses bijoux de famille à sa descendance reste dans la logique des choses.
S’orienter vers un legs philanthrope lorsque l’on considère que ses héritiers ont déjà tout ce qu’il faut pour assurer leurs vieux jours, décider de léguer une partie de son patrimoine à une association à défaut de le voir partir en déshérence, voilà une idée judicieuse, une occasion de rendre sa mort utile.
Mais au delà des sommes d’argent, des biens immobiliers ou même simplement sentimentaux, ce que l’homme ignore trop souvent, c’est que son corps peut devenir un legs à lui tout seul. En effet, donner son corps à la science est une démarche de transmission.
Une fois mort, un corps peut encore servir à une noble cause. Donner son corps à la science, c’est contribuer à la recherche médicale et à la formation de futurs médecins, ces mêmes médecins qui assureront le bien être et la santé de notre descendance.
Chaque année, des promotions entières de jeunes internes viennent renforcer les rangs des établissements hospitaliers de France. Ces étudiants, chirurgiens, pédiatres, neurologues ou anesthésistes en devenir, vont passer quelques temps dans l’univers si particulier de la médecine.
Certains ne réussiront pas à aller au bout de leur internat, d’autres s’accrocheront et finiront même par entamer une spécialité pour au final ouvrir leur propre cabinet, terminer professeur, chef de clinique ou de service au sein d’établissements prestigieux.
Ces jeunes auront essuyé des années de théorie, à travers des livres épais de plusieurs centimètres, mais aussi de la pratique qui commence dès les premières années de faculté de médecine avec une épreuve en forme de passage obligatoire : la confrontation avec un corps humain.
Un corps humain… mort, plus communément appelé un cadavre.
Cette étude nécessaire de l’organisme humain, de ses tissus, de ses pathologies, de son architecture, elle serait impossible sans la démarche altruiste de plus de 2600 personnes qui chaque année en France, décident de donner leur corps à la science.
Pourtant, de nombreuses questions entourent encore cette pratique qui reste bien trop marginale. Retour sur un legs pas comme les autres : le don de son corps à la science.
Un peu d’histoire
L’investigation des corps morts remonte à l’Antiquité. On reconnaît la soif de connaissance et de savoir dans les écrits et travaux de Galien, médecin grec né vers l’an 130 qui se sert de cadavres d’animaux pour mener à bien ses dissections. Ne pouvant s’entraîner sur des corps humains, Galien établit donc l’essentiel de son oeuvre sur l’étude de l’anatomie animale.
Début du VIIe siècle, l’Eglise est seule maître de la science et le Pape Innocent III réglemente l’enseignement de l’anatomie qui doit se baser uniquement sur des livres et notamment l’interprétation des ouvrages anciens.
Au XIVe siècle, le Pape Boniface VIII menace d’excommunication toutes personnes tentées de porter atteinte au corps d’une personne défunte. Ceci ne faisant pas grand effet au sein de la population de petits et grands curieux qui organisent des violations de sépultures afin de se procurer de quoi assouvir leur soif de découverte en matière d’anatomie.
André Vésale, jeune médecin du XVIe siècle publiera De humani corporis fabrica : la fabrique du corps humain, qui sera le document de référence en matière d’anatomie et d’histoire de la médecine. Vésale s’oppose à Galien en basant ses théories sur des dissections de corps d’humains. C’est donc tout un système qui s’ébranle pour être quasiment repris de zéro.
Pour connaître le fonctionnement d’un corps humain, rien ne vaut la pratique et l’investigation. Rien ne peut remplacer l’étude d’un vrai corps. Cette certitude, les anatomistes de tous siècles l’avaient bien intégrée. Mais de l’étude complète d’un corps, les facultés de médecine ont fini par privilégier l’étude de certaines parties, s’en remettant aux nouvelles technologies pour palier au manque de temps.
Néanmoins, la confrontation avec un cadavre reste un passage quasi rituel de tout médecin en herbe, car il est bien souvent le premier contact avec la mort, un état qui va accompagner le praticien durant tout son cursus professionnel.
Don d’organes et don de corps, des legs bien souvent confondus
Lorsque l’on parle de don d’organes, on y associe des mots comme greffe, donneur, receveur, vies sauvées. Lorsqu’on évoque le don de son corps à la science, on peut être tenté de penser qu’il y a une similitude entre les deux situations comme par exemple certains organes du corps du défunt qui passeraient d’abord par la case greffon avant d’aller occuper les bancs d’amphithéâtres en vue des travaux manuels des futurs internes.
Le seul point commun entre don d’organe et don du corps à la science réside dans la volonté du donneur. Le don d’organe est un acte volontaire et gratuit, le prélèvement des organes est destiné à des personnes en attente de greffons depuis des mois, voir des années. Une famille endeuillée peut aussi envisager le don d’organe sans que le défunt n’ait eu besoin d’exprimer cette volonté à partir du moment où il ne figure pas dans le fichier national de refus.
Donner son corps à la science est un acte volontaire mais pas forcément gratuit ( modalités financières à régler auprès de la faculté de médecine qui accueillera le corps). Il n’est possible que sur demande de son vivant. Personne ne peut envisager de don de corps à la place du donneur lui même.
Enfin, une des différences majeures entre don d’organe et don de corps réside dans le fait que le corps du donneur d’organe est rendu rapidement à la famille avec le souci pour les praticiens d’avoir préservé une certaine intégrité « esthétique ». Le corps destiné à la science ne sera pas rendu à la famille sauf sous l’aspect d’une urne contenant des cendres. Il sera voué à la crémation, une fois les études réalisées sur celui-ci.
Donner son corps à la science : les modalités
Donner son corps à la science n’est autorisé que pour les personnes majeures. Pour faire don de son corps à la science, il suffit de s’adresser à la faculté de médecine de son choix qui procédera aux formalités réglementaires (la décision doit être formulée de manière manuscrite sur papier libre, datée et signée), dont l’édition de la carte de donneur à conserver en permanence sur soi. Si vous décidez de changer d’avis, il suffira simplement de détruire cette carte et d’en informer la faculté car la décision de donner son corps à la science n’est pas figée. On peut bien entendu changer d’avis à tout moment de sa vie.
Donner son corps à la science est un acte personnel. A l’inverse du don d’organes, personne ne peut se substituer à votre volonté le jour du décès.
Il existe néanmoins des cas où donner son corps à la science est impossible :
- absence de la carte de donateur ;
- non respect du délai de 48 heures maximum pour transporter le corps ;
- décès à l’étranger obligeant à une mise en bière ;
- décès consécutif à une maladie contagieuse obligeant à une mise en bière ;
- décès consécutif à un accident de la route, à un suicide ou toute autre raison susceptible de poser un problème médico-légal.
Donner son corps à la science est une démarche qui peut être payante en fonction de l’établissement choisi. Si la gratuité est appliquée, des frais de transport de corps peuvent être occasionnés. Le corps ne sera pas rendu aux familles sauf volonté exprimée par le défunt. Ses cendres seront restituées ou dispersées dans un jardin du souvenir. Bon nombre de cimetières comportent désormais un emplacement réservé à la dispersion des cendres des personnes ayant choisi de donner leur corps à la science.
Sources en rapport avec l’article « Donner son corps à la science, un legs encore trop méconnu » :
Ouvrage : Macchabées, la vie mystérieuse des cadavres – Marie Roach – Calmann-Lévy 2003
Liens :
– https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F180
Le site de l’AFIF : Association Française d’Information Funéraire
– http://www.afif.asso.fr/francais/conseils/conseil15.html
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