Nous sommes tous un jour ou l’autre, confrontés à un traumatisme plus ou moins difficile à combattre, nous devons tous vivre avec « le murmure de nos fantômes ».
Boris Cyrulnik
La vie n’est pas un long fleuve tranquille.
Nous ne sommes pas préparés à affronter les épreuves de la vie, celles-ci viennent se présenter à nous au fil des ans, avec les deuils qui avanceront en même temps que nous grandirons. Tout d’abord les grands-parents, puis les parents, puis les amis, lorsque tout se passe dans la logique de la vie. En revanche, il y a des existences qui sont confrontées au drame plus rapidement que d’autres. C’est ainsi que cette fameuse ligne de vie « traditionnelle » est brisée à cause d’un suicide, d’une mort par accident, une catastrophe naturelle, d’un attentat. Autant de situations tragiques qui ne nous ferons plus appréhender la vie avec le même regard. Que nous soyons rescapés, victimes collatérales ou proches des disparus.
Attentats du 13 novembre 2015, l’après Charlie.
Neuf mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Kasher qui ont coûté la vie à dix-sept personnes, le cauchemar a repris de plus belle. Paris et sa banlieue ont été victimes, le 13 novembre 2015, d’une série d’attentats qui ont été les plus meurtriers que la France n’ait jamais connu.
130 morts et des centaines de blessés dont certains qui sont encore dans un état critique, un pays en état de choc, une capitale qui vit au rythme des sirènes incessantes, de la présence militaire et de l’appréhension.
La plaie est encore ouverte et mettra un certain temps à se cicatriser.
Ils sont morts parce qu’ils aimaient la vie car en s’attaquant aux terrasses des quartiers branchés du 11ème arrondissement, les terroristes visaient clairement cette jeunesse parisienne qui aime sortir, profiter de la vie et des moments simples comme un vendredi soir à la Bastille, entre amis, autour d’une bière et de quelques Tapas.
Après le drame du 13 novembre, la stupeur et la culpabilité.
Après un drame tel que celui que viennent de vivre les victimes des attentats du 13 novembre, il se produit un phénomène se propageant à une vitesse grand V et qui touche les victimes directes, celles qui ont été blessées ou celles épargnées mais qui se trouvaient à proximité. Ce phénomène peut atteindre également des personnes qui n’ont pas eu de contacts directs avec la scène de crime, des personnes résidant un peu plus loin dans le quartier ou des parisiens habitués mais qui avaient choisi un autre arrondissement de festivité pour cette soirée là.
Ce sentiment que l’on peut clairement désigner comme de la culpabilité, n’épargne pas grand monde. Hommes, femmes, adolescents et quelquefois mêmes des enfants qui sont en âge de comprendre la gravité de la situation. Chacun se demande « pourquoi eux, et pourquoi pas moi ? ». Car il est évident qu’on ne peut que s’identifier aux victimes. Des personnes de toutes nationalités, de toutes confessions et de tous âges, venues passer un moment en famille ou entre amis, désireuses de se détendre après une semaine de travail, et profiter des températures exceptionnellement clémentes du climat parisien de ce mois de novembre 2015.
Oui cela aurait pu être votre voisin qui n’est pas allé ce soir là se promener dans ce quartier car il avait un dîner de famille, cela aurait pu être votre fils à qui vous avez refusé ce concert, pour cause de mauvaises notes ce trimestre. Enfin cela aurait pu être vous, pendant cette soirée entre filles, refaisant le monde autour d’un hamburger/frites ou d’une assiette de raviolis chinois, une bière à la main.
Après un drame, la culpabilité d’être en vie et en bonne santé prend le pas sur le soulagement d’avoir échappé au pire.
Après le drame, l’entrée en résilience
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, ethnologue, et écrivain a été l’un des premier à évoquer le concept de résilience au cœur du développement psychologique de l’être humain.
En psychologie, on définit une personne résiliente comme capable de surmonter un traumatisme, de faire face à un stress conséquent (post- traumatique) et de développer des capacités mentales qui lui seront utiles dans une prochaine situation de stress, comme un réel facteur de protection.
Des phénomènes de résilience sont souvent observés chez des personnes confrontées à des événements de vie extrêmement traumatisants : guerre, catastrophes naturelles, attentat, maladie grave, suicide, déportation.
Pour Boris Cyrulnik, toute expérience traumatisante peut se transformer en résilience pour peu que l’individu puisse s’appuyer sur certains facteurs qui lui feront puiser au cœur de son psychisme la faculté de se reconstruire. On retrouve cet exemple chez de nombreux déportés qui on réussi à refonder une vie de famille avec mariage et enfants alors que la totalité de leurs proches avaient été exterminé dans les camps de la mort.
La prévoyance et l’anticipation comme facteur de résilience
L’immortalité n’existe pas. Il se trouve que nous ne sommes pas nombreux à le penser chaque jour, nous vivons le plus souvent en oubliant qu’un jour nous irons agrandir les rangées de granit des jardins du souvenir.
A vingt ans comme à trente, on est à cent mille lieux de s’imaginer la précarité de notre existence. Et c’est plutôt une bonne chose car vivre en imaginant sa mort très proche deviendrait un concept complètement aliénant.
Dans des cas comme ceux auxquels nous avons assisté ces derniers jours, des personnes rescapées d’une tuerie équivalente à celle d’une guerre, bon nombre des victimes polytraumatisées n’auront pas immédiatement conscience des séquelles découlant de ces moments de drame. Certaines estimeront que la vie est extrêmement fragile et que tout peut basculer d’un instant à l’autre.
Vivre un évènement traumatisant est souvent l’occasion de faire un bilan sur la protection de nos proches. Est-ce que ma famille sera à l’abri s’il m’arrivait un accident ? Est-ce que mes volontés seraient respectées si je venais à disparaître brutalement. Comment organiser ma succession afin qu’il y ait le moins de complications possibles dans des moments où mes proches seraient suffisamment anéantis pour avoir en plus ce souci de se plonger dans des contingences administratives lourdes et compliquées.
L’anticipation apparaît souvent comme un facteur de résilience. Car préparer sa succession permet, généralement, à un individu de remettre en perspective les choses de valeurs dans sa vie, son patrimoine, mais aussi la nécessité d’avoir l’esprit serein quant à d’éventuelles complications que pourraient apporter sa succession dans le rapport entre ses proches. Dans les faits cela se fait par des actions précises comme : mettre ses papiers en ordre pour que tout soit réglé au millimètre près (conventions obsèques, assurance vie, testament, donation de son vivant). Protéger sa famille au-delà de sa propre vie.
Qu’il s’agisse des rescapés ou des personnes de l’entourage gravement traumatisées par la perte de leurs proches, ils auront chacun une vision différente de leur vie par rapport à celle d’avant, en passant certes par des moments de grande souffrance mais en réussissant au final à voir la vie sous un autre angle, un angle positif en se disant que la vie est vraiment belle.
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