Quand transmission rime avec pédagogie

Exécuteur testamentaire

Exécuteur testamentaire

Lorsque l’on parle d’héritage, on parle forcément de transmission.

Transmettre est un verbe transitif, un verbe d’action. Il signifie «faire passer quelque-chose d’une personne à une autre». La transmission d’un patrimoine, d’un savoir-faire, d’un document, d’un message, d’une maladie…

En matière d’héritage, ce mot ne peut pas être simplement utilisé dans un contexte financier.

Histoire, art, coutume, traditions familiales, tout est bon à transmettre. Nous n’héritons pas simplement de notre famille mais aussi de notre époque. Nous héritons de ce qu’elle a bien voulu bâtir et laisser en place pour qu’à notre tour nous devenions acteurs de cette transmission.

Cimetière, transmission et pédagogie

Guide institutionnel au Cimetière du Père Lachaise et dans plusieurs cimetières parisiens depuis plus de 20 ans, Thierry Le Roi a vu passer des milliers de visiteurs. Il ne conçoit pas ses « Safaris Nécro-Romantiques » sans l’idée qu’ils quittent le cimetière avec un savoir en plus. La transmission, c’est le but ultime de ses visites. Donner aux gens l’envie de revenir visiter un cimetière. Intégrer l’importance du lieu face à l’histoire et à la mémoire collective.

Certains ne se privent pas d’une visite sous prétexte qu’ils ont des enfants en bas âge.

Bon nombre de parents s’imaginent, qu’une promenade dans un cimetière n’a rien de lugubre et de macabre. Les enfants sous le bras, ils arrivent au point de rendez-vous du Guide. Les petits suivent leurs parents tout au long de la visite. Ils sont souvent intéressés et surtout très impressionnés par tant de nature et de beaux monuments.

Au fil des années, ce jeune public est devenu de plus en plus nombreux. Thierry Le Roi souhaitait plus que jamais faire rimer la transmission de cette mémoire du lieu avec une véritable pédagogie.

Pari réussi pour ce guide en perpétuel mouvement. En mai 2018, à l’occasion de la première édition parisienne du « Printemps des cimetières » il inaugure le « Petit livret pédagogique pour futurs taphophiles ». Au sein du Père Lachaise, il distribue un livret de découverte du cimetière aux enfants présents. Ils en profitent en même temps que leurs parents mais avec leurs mots, leur perception, leur univers.

Ainsi, la transmission est là. Ce moment va rester dans leur mémoire, accompagné d’un petit support à garder en souvenir. Mission accomplie pour ce Guide « Passeur de Mémoire ».

Transmission de l’histoire

Comment la transmission de l’histoire de Paris se fait sans ennuyer son auditoire ? Voilà un challenge assez compliqué.

Même si les secrets de la Capitale sont quelquefois passionnants, apprendre l’histoire n’est pas accessible à tout le monde. Le public peut devenir rapidement réfractaire ! On ne peut occulter ces souvenirs d’heures de classes ronflantes, en compagnie de professeurs ennuyeux.

Guide parisien depuis plus de 15 ans et amoureux de la plus belle ville du monde, Philippe Brinas-Caudie a lui aussi relevé le pari de la transmission haut la main.

Diplômé d’histoire de l’Art, Philippe entraîne chaque semaine ses visiteurs dans un véritable voyage à travers le temps. Le Marais Aristocratique, les Templiers, Montmartre, l’Ile Saint Louis, le Village Saint Paul, la Place des Vosges, le quartier Montorgueil, la place Vendôme, les passages couverts et même les maisons closes. Il connaît la petite mais aussi la grande histoire de chaque quartier de la Capitale et des illustres protagonistes qui l’ont bâtie.

Chacune de ses visites est un véritable moment de transmission avec un seul et unique outil : la pédagogie. Un guide qui va savoir s’adapter à son auditoire. En parcourant les pavés parisien, au détour  d’une plaque de rue, l’instant devient solennel, comique, sérieux, improbable ou encore mémorable. Le leitmotiv de Philippe : faire plaisir à son auditoire en lui apprenant de l’inédit, du beau, de l’introuvable, de l’exceptionnel.

Nul besoin de se perdre en précisions inutiles, en noms impossibles à retenir. Il ne s’agit plus de transmettre l’histoire de France telle que l’on peut la retrouver dans des ouvrages mornes et poussiéreux. Philippe ne passe pas par quatre chemins. Sa recette pour que ses visiteurs repartent satisfaits : humour, gentillesse et savoir.

Il n’hésite pas à replacer l’histoire dans un contexte contemporain. Ce qui permet à son auditoire d’y voir plus clair et de s’exclamer « Ha mais c’était donc pour ça ! ». Et oui ! Tout s’explique !

Sa mission est réussie lorsque l’on vient le voir pour le remercier. Grâce lui, on aime désormais l’histoire, on aurait adoré l’avoir comme professeur au Lycée.

Les héritiers – la transmission par le 7ème art

Voici un film qui n’a jamais aussi bien porté son titre.

La cinéaste Marie-Castille Mansion Schaar nous raconte l’histoire vraie d’une professeure d’histoire et de géographie au Lycée Léon Blum de Créteil.

En 2009, Anne Anglès, (alias Madame Gueguen dans le film, interprétée par la brillante Ariane Ascaride) est professeure principale d’une classe de seconde, elle croit en ses élèves, elle refuse de les voir s’enliser dans l’échec, malgré leur statut de classe la plus compliquée du Lycée.

Quand certains de ses collègues affichent volontairement leurs pronostics plus que pessimistes sur l’avenir de ces jeunes, elle ne suit pas le mouvement. Pas de fatalité en ce qui la concerne, elle agira toujours à leur égard avec bienveillance et fermeté, ce qui lui vaudra un certain respect de la part de toute sa classe.

Au cours cette année scolaire 2009, elle présente à cette classe un projet ambitieux mais pas impossible :  les inscrire au concours national annuel de la résistance et de la déportation.

Ce concours est présenté comme suit : « Un vecteur essentiel de transmission de la mémoire, il offre aux élèves l’opportunité d’approfondir leurs connaissances sur certains aspects fondamentaux de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale, ainsi que l’occasion de réfléchir à la dimension civique de ces événements ».

Au départ très réticents, les élèves finissent par s’intéresser au sujet proposé : « les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi »

Comment rester insensible à un tel sujet lorsque l’on a l’âge d’Anne Franck, de Simone Veil ou de Guy Môquet ?

Des semaines durant, ils vont apprendre à s’écouter, à travailler ensemble et à découvrir un univers qu’ils ne soupçonnaient pas. Dans un moment très fort du film, l’un des élèves découvre avec stupeur que le projet des nazis n’épargnait personne et même les bébés -surtout les bébés- étaient voués à la solution finale. Gazés en premiers avec les faibles et les personnes âgées, il était surtout question pour les nazis d’éliminer rapidement ce qui leur semblait improductif.

A ce moment précis, la classe entière prend la mesure de la gravité du sujet. Un sujet qui n’est « pas drôle ». Il n’est plus question de s’agiter en cours ou de faire des plaisanteries pour amuser la classe. Il s’agit dorénavant d’écouter ce que leur professeure a l’intention de leur apprendre sur cette période si sombre de l’histoire. Et il vont écouter, apprendre, et surtout grandir.

Les héritiers, ce sont eux.

Tous ces adolescents qui ont vu leur vie changer par la confiance qu’on leur a accordé, par l’envie de transmettre à leur tour ce qu’ils avaient réalisé, appris pour présenter ce concours. Madame Anglès s’est donnée la peine de croire en eux, de regarder au delà des clichés, de ne pas les enfermer dans un avenir réduit aux cités, au chômage et aux stéréotypes de la banlieue parisienne.

Lauréats du concours, ils n’ont pas fait que remporter son premier prix. Ils ont gagné quelque-chose d’inestimable : l’idée qu’ils peuvent réussir sans gage de condition sociale ou de couleur de peau. Faire tomber les barrières des préjugés, c’est ça aussi la transmission.

Thierry Le Roi, Philippe Brinas-Caudie, Anne Anglès : ils ont tous en commun cet amour de l’histoire et du fait historique. La nécessité d’en parler, de l’enseigner, un besoin vital pour eux trois. Des méthodes différentes mais toujours dans le souci de la pédagogie, dans une démarche bienveillante en allant vers l’autre. Ils n’imposent pas mais transmettent, ils passent la mémoire et surtout, mettent en échec l’oubli.