Les 19 et 20 septembre prochain auront lieu comme chaque année en France les Journées Européennes du Patrimoine. Cette manifestation toujours très attendue par les français revêt en ce mois de septembre 2020 un caractère un peu étrange avec le port du masque et les contraintes sanitaires en raison du Covid-19. Il n’est pourtant pas question de bouder notre plaisir pour découvrir les trésors du patrimoine français et contribuer à transmettre un héritage collectif.
Des lieux touristiques pour transmettre
Un peu partout en France, il existe des lieux que l’on visite pour une histoire qui pourrait à première vu paraître sombre et extrêmement triste : Oradour Sur Glane, le village martyr du Limousin, mais aussi les Catacombes ou le Père Lachaise à Paris, la Coupole d’Helfaut, bunker et base de lancement de missiles V2 dans le Pas de Calais
A l’étranger, on peut citer Auschwitz, Hiroshima, Ground Zero à New York, mais encore le couvent des Capucins à Palerme (célèbre pour ses catacombes aux 8000 corps momifiés, dont celui de la petite Rosalia Lombardo, décédée en 1920 à l’âge de deux ans et remarquablement embaumée par le Docteur Alfredo Salafia). Et bien d’autres lieux aussi mystérieux qu’incroyables en rapport direct avec la mort.
Pourtant ce n’est pas uniquement un sentiment de tristesse qui pourrait caractériser ces lieux. Il en ressort pour certains un sentiment de vie incroyable.
Le tourisme de mémoire
Les journées du patrimoine s’inscrivent dans une continuité de tourisme et permettent aux français de prolonger un peu les découvertes des vacances. Même si le tourisme est avant tout assimilé à la détente et aux loisirs, il y a le tourisme de mémoire. Certaines régions comme la Normandie et ses plages du débarquement, puisent leurs revenus essentiellement sur cette thématique et les milliers de visiteurs qui s’y rendent chaque année prouvent cet engouement constant pour le souvenir.
Au delà de la simple curiosité qui pourrait pousser un visiteur à s’aventurer sur un endroit chargé d’une histoire très compliquée, il y a la notion de recueillement, du devoir de mémoire, de la transmission.
La thématique 2020 des Journées Européennes du Patrimoine s’inscrit totalement dans ce devoir de transmission : Patrimoine & Education : apprendre pour la vie.
Le cimetière de Colleville en Normandie
A première vue c’est une plage comme tant d’autres. Sable fin, dunes, un peu de cette végétation si particulière qui caractérise le littoral Normand. Un ciel sans un nuage lors des longues journées d’été, et l’horizon. La mer se fond dans ce bleu. Un lieu paisible qui n’annonce rien. Qui n’indique rien. Sauf lorsque l’on s’y aventure par la grande porte.
Cette porte, elle s’intitule sobrement « Cimetière Américain de Coleville Sur Mer », et cette plage porte un nom depuis maintenant 60 ans : Omaha Beach. On y accède par un petit escalier à travers les fougères.
Simple, sans fioriture, sans chichi. Ici tout est aseptisé, neutre, humble.
Avant cela il a fallu stationner sur un parking aussi vaste que celui de Disneyland où s’alignent dignement Camping-car, autobus, familles entières, groupes venus des quatre coins de la planète. Ils ont traversé les espaces verts qui séparent le cimetière du mémorial de l’entrée puis se sont éparpillés au milieu des croix, des monuments, des pelouses, et un peu plus bas dans la nature, pour arriver à la plage.
On recense 1 million de visiteurs par an et c’est le cimetière américain le plus visité. il rassemble les tombes de 9387 soldats tombés au combat. (dont 307 inconnus et quatre femmes). Ces personnes sont principalement décédées le jour du débarquement ou dans les semaines suivantes en Normandie, principalement au combat. 14000 dépouilles, d’abord inhumées en Normandie, ont été rapatriées aux États-Unis, à la demande de leurs proches .
A quelques kilomètres du cimetière, la Pointe du Hoc et ses cratères causés par les bombardements. Un lieu resté en l’état depuis ces tristes périodes. Blockhaus, poutrelles d’acier rouillées. Visiter le cimetière américain de Colleville, c’est pénétrer sur un terrain octroyé en concession perpétuelle de la part de la France aux États-Unis Il faut voir cet endroit au moins une fois dans sa vie et si possible s’y rendre accompagné de jeunes générations.
Se pencher sur notre passé pour envisager l’avenir
Visiter l’un de ces lieux nous permet de nous recentrer vers des choses un peu plus fondamentales, un peu plus essentielles. La vision d’un champ de croix blanches fait émaner aux plus insensibles des promeneurs une émotion, un sentiment de mal être mais aussi d’humilité, de reconnaissance.
Il ne s’agit pas là d’aller volontairement à la rencontre de sensations désagréables mais de se retrouver face à la mort dans tout ce qu’elle a de plus concret: un attentat, un génocide, un champ de bataille, un lieu d’inhumation. L’homme était là, bon ou mauvais, jeune, vieux, enfant, innocent, meurtrier, coupable, avec ses forces et ses faiblesses et il a été en face de la mort.
Parce que ces lieux sont une mémoire, ils rendent l’histoire accessible, immédiate, matérialisée. Ils apportent une vision de son prochain certainement changée.
Visiter pour découvrir, pour apprendre, mais aussi pour se souvenir et pour transmettre car pour avancer, car il nous faut sans cesse repenser au passé.
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