Affaire Vincent Humbert * Berck Sur Mer, Novembre 2002, Vincent Humbert, patient du Centre Hélio Marin, tétraplégique, aveugle et muet à la suite d’un accident de voiture, adresse une lettre au Président de la République dans laquelle il lui demande officiellement le « droit de mourir ».
Jacques Chirac ne répondra pas favorablement à la demande de Vincent Humbert, évoquant le simple fait qu’il n’en pas le droit. Quelques mois plus tard, sa mère, Marie Humbert, lui administre une dose de pentobarbital de sodium par le biais de son mécanisme d’alimentation.
Retour sur l’affaire Vincent Humbert qui a suscité bien des débats et relancé la polémique de l’euthanasie, des directives anticipées et du droit de chaque individu à disposer de sa propre mort.
L’affaire Vincent Humbert
À 19 ans, Vincent Humbert est pompier volontaire. De garde à la caserne en cette journée du 24 septembre 2000, il termine son service. Il prend sa voiture pour rentrer chez lui après avoir passé un moment entre amis et s’en va retrouver sa petite amie qui l’attend. Au détour d’une petite route, dans le département de l’Eure, c’est l’accident. La voiture de Vincent Humbert percute un camion, un pneu crève, il se retrouve sous le véhicule. Les pompiers dépêchés sur les lieux ne peuvent que constater l’ampleur des dégâts. Encastré dans sa voiture, c’est leur ami qu’ils vont devoir désincarcérer. Transporté au CHU de Rouen, Vincent Humbert est dans le coma, il va y rester 6 mois. Il se réveille au Centre Hélio Marin de Berck, aveugle, muet et tétraplégique. Tout ce qui concerne le fonctionnement de son corps a été touché mis à part l’ouïe et l’intelligence. Prisonnier de son corps, Vincent Humbert ne réussi à communiquer que par la pression de son pouce droit. Sa mère, Marie Humbert qui n’a jamais cessé d’être à ses côtés depuis le jour de son hospitalisation, arrive à force de persévérance à communiquer avec lui en lui réapprenant l’alphabet qu’il avait complètement oublié. Une pression du pouce pour un oui, deux pressions pour un non, Vincent Humbert réussi enfin à s’exprimer. Septembre 2002, les médecins annoncent le verdict : l’état de Vincent Humbert ne s’améliorera plus. Il est condamné à vivre dans un corps presque mort. Un corps et surtout un esprit qui vont le mener à cette ultime décision, celle de demander au Président de la République le droit de mourir, un droit qui lui sera refusé. Le plan de Vincent Humbert est simple : puisque la société lui refuse le droit de mourir, puisque lui même ne peut se donner la mort, c’est donc à sa mère qu’il va demander ce geste. Elle seule peut faire cela pour lui.
Marie Humbert, son geste d’amour
Une mère, c’est un être qui donne la vie, qui protège, qui répare les petites blessures de l’âme et du corps à coup de baisers, de bras réconfortants, de bons petits plats, de douceur et d’amour. Cette mère là, Marie Humbert ne pouvait désormais plus l’être pour Vincent Humbert. Elle savait qu’elle ne pourrait plus le soulager. Déployer ses bras n’aurait servi à rien pour le réparer, lui caresser la joue, lui adresser un sourire de réconfort en lui disant « demain tu n’y penseras plus » c’était peine perdue. Elle savait désormais que son fils ne lâcherait rien de cette idée, celle de mourir pour abréger cette souffrance quotidienne et indescriptible. Elle seule pouvait l’aider, elle seule allait l’aider. En septembre 2003, invitée au magazine « Sept à huit » sur TF1, elle annonce ce projet. Le 24 septembre 2003, trois ans jour pour jour après l’accident de Vincent Humbert et veille de la sortie de son livre intitulé « Je vous demande le droit de mourir » Marie Humbert s’exécute et lui injecte d’importantes doses de pentobarbital. Un infirmier qui pénètre dans la chambre à ce moment précis lance l’alerte. Marie Humbert est arrêtée puis placée en garde à vue. Vincent Humbert sombre dans le coma. Transféré dans le service de réanimation du Docteur Frédéric Chaussoy, celui-ci décide, au terme d’une concertation entre la famille et toute l’équipe médicale, de stopper le processus de réanimation et de procéder à une injection de chlorure de potassium, des mesures qui vont occasionner le décès de Vincent Humbert. L’affaire n’en reste pas là car si Marie Humbert est remise en liberté, le procureur de Boulogne S/Mer décide d’ouvrir une information judiciaire la concernant ainsi que le Docteur Chaussoy pour respectivement « administration de substances toxiques commise avec préméditation sur personne vulnérable » et « empoisonnement avec préméditation ». Mis en examen en janvier 2004, le procureur prononcera un non lieu général pour chacun d’entre eux avec abandon des poursuites.
En 2007 est publié l’ouvrage de Marie Humbert « Pour tous les Vincent du monde »
« J’ai donné le jour à Vincent Humbert le 3 février 1981. Le 24 septembre 2000, un accident a saccagé sa vie. Et, à sa demande, je l’ai aidé à partir le 24 septembre 2003. Mais Vincent existe toujours. Non que j’aie instauré un culte à sa mémoire, mais parce que sa prière, que j’ai eu tant de mal à exaucer, fait écho à tellement de douleurs qu’elles reviennent jusqu’à moi. Plusieurs fois par jour, les témoignages, les sollicitations, les appels au secours me replongent dans ce vécu tragique. » Vincent Humbert, cela aurait pû être vous, votre fils, votre mari, votre frère. C’est aussi le cas d’un autre « Vincent du monde » qui porte étrangement le même prénom et cette similitude dans la prononciation de leurs patronymes respectifs : Vincent Lambert.
Où en est-on depuis l’affaire Vincent Humbert avec l’euthanasie ?
En 2016, près de 16 ans après le commencement de l’affaire Vincent Humbert, la législation autour du droit à disposer de sa mort fait toujours débat. Aucune loi autorisant clairement l’euthanasie ou le suicide assisté n’est entrée en vigueur alors qu’elle existe désormais depuis plusieurs années dans des Pays tels que la Suisse, la Belgique où les Pays-Bas. Depuis la loi Léonetti en 2005 et visant à interdire l’acharnement thérapeutique et à promouvoir les soins palliatifs, une nouvelle loi a été promulguée le 2 février 2016 par l’Assemblée « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ».
L’article L. 1110 5-2. stipule entre autre qu’« à la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » pourra être mise en oeuvre suivant des cas spécifiques énumérés dans le texte de loi.
Aucune notion d’euthanasie ou de suicide assisté n’est évoquée dans la loi.
Révisables et révocable à tous moments, les directives anticipées sont également au cœur de cette modification de loi avec les articles suivants :
L. 1111-11. – « Toute personne majeure et capable peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie visant à refuser, à limiter ou à arrêter les traitements et les actes médicaux ».
L. 1111-6. – « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin ». Cette démarche est d’ailleurs accessible depuis le web depuis peu. En effet, le service mes volontés, proposé par Testamento, permet désormais d’exprimer ses volontés funéraires, en matière de crémation, inhumation, don d’organes, etc… Le témoignage de la personne de confiance « prévaut sur tout autre témoignage ». Elle ne sera pas ici pour exprimer son avis ou son sentiment sur la situation mais deviendra un acteur de la décision du patient. Si la loi reste encore bien insuffisante aux yeux des associations défendant le droit de mourir dans la dignité, on ne peut que constater l’avancée manifeste de la réflexion. Un contexte reste malgré tout sensible, plaçant l’individu au cœur d’un conflit où s’entrechoquent culture, religion, philosophie, libre-arbitre et politique, même si au final, cette loi ne concerne pas les patients qui souhaitent mourir mais bel et bien ceux qui vont mourir. Une différence qui mérite d’être soulignée car Vincent Humbert n’allait pas mourir, il était condamné à vivre dans une souffrance psychologique et par extension physique indéniable. Peut-on encore utiliser le mot « vie » pour décrire un état physique qui n’en possède au final que l’orthographe et non plus la définition intrinsèque ?
Articles connexes à « Affaire Vincent humbert : fin de vie et directives anticipées » :
- Directives anticipées : l’affaire Vincent Lambert (2)
- Directives anticipées : l’affaire Vincent Lambert (1)
- Nos articles sur les directives anticipées
- Nouvelle loi sur l’acharnement thérapeutique
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- Les affaires sur l’euthanasie
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