Chaque année, le montant des contrats d’assurance-vie en déshérence s’élève à plusieurs milliards d’euros. Afin de lutter contre ces déshérences, la loi du 13 juin 2014 renforce les obligations pesant sur les compagnies d’assurance et les mutuelles, améliorant la recherche des bénéficiaires.
La déshérence : définition
La déshérence est la situation dans laquelle l’Etat est amené à recueillir un bien, un patrimoine ou encore une succession abandonnée au décès de son propriétaire qui ne laisse aucun héritier pour lui succéder (soit qu’il n’en a jamais eu, soit que ceux-ci ont renoncé ou sont prédécédés).
Au niveau contractuel, la déshérence est principalement attachée aux contrats d’assurance-vie non réclamés ou « non réglés ». C’est-à-dire les contrats d’assurance-vie dont les fonds n’ont pas été versés soit aux bénéficiaires lors de la survenance du décès du souscripteur, soit au souscripteur lui-même à l’échéance du contrat. Pour plus d’information sur la déshérence, nous vous proposons de lire cet article.
Les contrats d’assurance-vie en déshérence : l’apport de la loi du 13 juin 2014
Dans l’optique de réduire le nombre de contrats d’assurance-vie non réclamés s’élevant tout de même à 4 milliards d’euros selon la Cour des comptes (rapport du 17 juillet 2013), la loi n°2014-617 du 13 juin 2014 impose de nouvelles obligations aux compagnie d’assurance. En effet, les articles L. 132-9-3 du code des assurances et L. 223-10-2 du code de la mutualité créent une nouvelle obligation pour les compagnies d’assurance et les mutuelles qui doivent s’informer « au moins chaque année (…) du décès éventuel de l’assuré ».
Le dispositif AGIRA 2 (Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance) d’identification des assurés décédés reposant sur la consultation du RNIPP (Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques) pour les professionnels, n’est plus facultatif et devient obligatoire. Cette obligation est corrélative avec celle de rechercher les bénéficiaires du souscripteur décédé.
Bon à savoir, à compter du 1er janvier 2017, les bénéficiaires d’assurance-vie dont le souscripteur est décédé depuis plus de 10 ans pourra faire une demande écrite à l’AGIRA relative au versement des fonds.
Les assureurs sont dorénavant obligés de transmettre leurs informations relatives aux versements des sommes déposées auprès de la caisse des dépôts et consignations (CDC). Ensuite, afin de prévenir tout litige, les assureurs ont l’obligation, avant de déposer les sommes à la CDC, d’informer les souscripteurs et les bénéficiaires du dépôt, leur permettant ainsi de réagir. Cette obligation limite les atteintes aux droits des bénéficiaires comme des souscripteurs.
De plus, en application des articles L 132-9-4 du code des assurances et L. 223-10-3 du code de la mutualité, les compagnies d’assurance et les mutuelles doivent publier un bilan de leurs recherches indiquant « le nombre et l’encours des contrats d’assurance sur la vie, souscrits auprès de leurs membres, (…) dont les capitaux ou les rentes dus n’ont pas été versés au bénéficiaire » ; il s’agit donc de recenser l’intégralité des contrats non réclamés.
Outre ces dispositions, la loi du 13 juin 2014 étend l’obligation d’information annuelle des assurés, pesant sur les compagnies d’assurance, à tous les contrats.
Enfin, la loi prévoit un délai de 10 ans à compter du décès de l’assuré ou de l’échéance du contrat pour transférer à la caisse des dépôts et consignations, les contrats d’assurance-vie non réclamés (articles L. 132-5 et suivant du code des assurances). Les compagnies d’assurance deviennent donc débitrice d’une obligation principale de dépôt des sommes garanties à la caisse des dépôts et consignations.
Une réclamation par le bénéficiaire auprès de la CDC est possible dans un délai de 20 ans à compter de la détention des sommes par la CDC.
Ensuite, la loi prévoit une déchéance totale des droits de l’épargnant à défaut de réclamation, à l’échéance d’un délai de 30 ans à compter de la détention des sommes auprès de la caisse des dépôts et consignations. Les sommes sont alors définitivement acquises par l’Etat.
Déshérence et assurance-vie : le sort des bénéficiaires
La loi du 13 juin 2014, en renforçant les obligations de l’assureur, assure une meilleure protection des bénéficiaires. Nous l’avons vu, l’obligation faite aux compagnies d’assurance de vérifier annuellement le décès des assurés est accompagnée d’une recherche immédiate du ou des bénéficiaires. L’assureur doit donc, dans un premier temps l’identifier, pour ensuite le localiser et prendre contact avec ce dernier afin de l’informer du contrat d’assurance-vie à son profit.
L’APCR (autorité de contrôle prudentiel et de résolution) rappelle que « les informations recueillies par consultation du RNIPP déclenchent, pour l’assureur, l’obligation d’une recherche active du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, même si cette recherche doit, le cas échéant, être précédée ou assortie de la vérification du décès de l’assuré » (OPCR, 7 avril 2014).
Pas de difficultés lorsqu’une clause bénéficiaire a été rédigée, mais lorsque ce n’est pas le cas, la loi du 13 juin 2014 crée une collaboration entre l’administration fiscale et les compagnies d’assurance.
A noter, que ladite loi interdit à l’assureur de « prélever de frais au titre de l’accomplissement de ses obligations de recherche et d’information » au bénéficiaire.
Suite à cela, l’article L. 132-23-1 du code des assurances dans sa nouvelle rédaction prévoit que les compagnies d’assurance et les mutuelles disposent d’un délai de 15 jours, à compter de la réception de l’avis de décès et de la recherche des informations sur le bénéficiaire, pour demander à ce dernier de lui fournir les « pièces nécessaires au paiement ». Ce texte législatif réactif oblige ensuite l’assureur, dans un délai d’un mois, à verser les sommes dues.
Mais l’assureur n’est pas le seul à voir ses obligations croître par la publication de la loi du 13 juin 2014. Le notaire revêt un droit d’intervention lorsqu’il établit l’actif successoral du défunt.
En principe, l’assurance-vie échappe aux règles successorales en application de l’article L. 132-13 du code des assurances. Toutefois, l’article L. 132-11 du même code restaure les règles successorales lorsque le bénéficiaire n’a pas été désigné. Encore une fois, dans le but de protéger le bénéficiaire, le notaire intervient pour soutenir les ayants-droit dans leur droit de réclamer le capital au décès du souscripteur.Toutefois, son intervention est limitée aux sommes entrant dans l’actif successoral du défunt, quand bien même son intervention permettrait de faire diminuer la déshérence.
Déshérence du contrat d’assurance-vie : comment l’éviter ?
Pour éviter les situations de déshérence, il est recommandé aux souscripteurs d’un contrat d’assurance-vie d’effectuer une clause bénéficiaire désignant, avec précision, le ou les bénéficiaires (nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse et numéro de téléphone). Il est expressément conseillé d’éviter les formules types « mon plus jeune enfant » et privilégier des phrases claires et concises qui ne seront pas sujettes à interprétation.
Pour limiter encore les risques, il est fortement conseillé d’avertir son ou ses bénéficiaires du contrat d’assurance-vie conclu à leur profit. Enfin, toutes modifications sur les coordonnées des bénéficiaires doivent être renseignées.
Si vous ne souhaitez pas que votre assureur soit informé du nom de vos bénéficiaires, il est possible de faire mention de votre clause avec son contenu dans votre testament.
Comme pour un testament, la bonne rédaction des clauses bénéficiaire limite les risques de litige.
De plus, pour favoriser la récupération des sommes non réclamées, la CDC a ouvert, au 1er janvier 2017, un service de recherche en ligne destiné au grand public permettant d’effectuer des recherches sur les sommes détenues et, selon les conditions, en demander restitution.
Assurance-vie en déshérence : quelques chiffres pour finir
Fin 2015, l’ACPR estime le montant des sommes détenues sur les contrats d’assurance-vie en déshérence à 5,4 milliards d’euros. En mai 2016, l’APCR constate qu’1,3 milliards d’euros le montant des sommes que les assureurs devraient déposer à la CDC pour les contrats non réclamés depuis 10 ans malgré la connaissance du décès du souscripteur ou de l’échéance du contrat.
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