Trois ans de procédure judiciaire ont finalement abouti à une non-décision ce jeudi 23 juillet 2015 pour statuer sur le sort de Vincent Lambert.
Vincent Lambert sera maintenu en vie… Jusqu’à quand ?.
Quel droit à la vie pour Vincent Lambert, plongé dans un état d’inconscience irréversible ?
Faits de l’affaire Vincent Lambert :
Vincent Lambert est victime d’un grave accident de la route en 2008. Au cours de l’année 2012, le personnel soignant du Centre Hospitalier Universitaire de Reims où le patient est hospitalisé observent des comportements pouvant être interprétés comme une opposition aux soins.
Procédure :
Le médecin chef du service où le patient est pris en charge engage alors une procédure collégiale, imposée par la Loi Léonetti, pour déterminer si la poursuite de l’alimentation ainsi que de l’hydratation artificielle de Vincent Lambert s’avère raisonnable.
Avec l’accord de l’épouse de Vincent Lambert et de quelques membres de la famille, l’alimentation du patient est stoppée. Néanmoins, mécontents de la décision, les parents de Vincent Lambert saisissent le tribunal administratif de Reims par le biais d’un référé-liberté (recours qui permet de prononcer toute mesure utile à la sauvegarde d’une liberté fondamentale gravement violée par l’administration) en invoquant le fait qu’ils n’ont pas été informés de l’arrêt des traitements de leur fils.
Par ordonnance du 11 mai 2013, le juge administratif donne raison aux parents, et demande la reprise de l’alimentation du patient, Vincent Lambert ( TA Châlons-en-Champagne, 16 mai 2013, ordonnance n° 1300740 ).
Cependant, suite à de multiples réunions avec la participation de la famille du patient, du personnel soignant, des médecins, il décide le 13 janvier 2014 de mettre fin aux traitements reçus par Vincent Lambert.
Les parents de Vincent Lambert saisissent alors le juge des référés. Selon le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne « la décision d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation du patient constitue une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la vie » (TA Châlons-en-Champagne, 16 janvier 2014, pourvoi n° 1400029).
L’épouse de Vincent Lambert ainsi que certains membres de la famille font appel de la décision devant le Conseil d’Etat. Deux libertés fondamentales sont ici en cause :
- le droit à la vie;
- l’obstination déraisonnable (anciennement appelée acharnement thérapeutique).
Les juges du Conseil d’Etat considèrent cependant ne pouvoir trancher le litige du fait de l’absence d’éléments médicaux. Un rapport d’expertise est alors ordonné par ces derniers sur l’état clinique du patient, Vincent Lambert. Le 26 mai 2014, le Conseil d’Etat décide d’infirmer, c’est-à-dire de désavouer, le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et ordonne l’arrêt de l’alimentation et de l’ hydratation artificielle de Vincent Lambert. La juridiction administrative précise cependant que chaque cas doit être analysé en fonction de la situation du patient et précise, à cet effet, les conditions imposées par la loi Léonetti du 22 avril 2005 pour arrêter le traitement médical. La loi Leonetti autorise à cet égard l’interruption des traitements pour les malades « en fin de vie » ou faisant l’objet d’une « obstination déraisonnable ».
Le récit judiciaire ne s’arrête pas là. La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), saisie d’une demande en urgence par les parents de Vincent Lambert, signifie à la France de suspendre l’application de l’arrêt du Conseil d’Etat (CEDH, Pierre Lambert et autres contre France, requête n° 46043/14).
La Cour a du se prononcer sur la question de l’arrêt des soins de Vincent Lambert au titre des articles de la CEDH :
- Article 2 : droit à la vie ;
- Article 3 : interdiction de la torture ;
- Article 8 : droit au respect de la vie privée et familiale ;
- Article 6 § 1 : droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.
Le 5 juin 2015, la CEDH valide l’arrêt des soins qui maintient artificiellement en vie Vincent Lambert. La Cour estime, en effet, que cela ne viole pas lesdits articles, articles régissant le respect et le droit à la vie du patient.
Le mercredi 15 juillet, les proches de Vincent Lambert étaient réunis une première fois par le CHU de Reims dans le cadre d’un « conseil de famille » pour recueillir l’avis de ses différents membres sur une « nouvelle procédure en vue d’une décision d’arrêt des traitements ».
A l’issue de cette réunion, les parents de Vincent Lambert et d’autres membres de la famille porte plainte contre le CHU de Reims et les médecins chargés de leur fils pour « tentative d’assassinat et séquestration ».
Finalement, ce jeudi 23 juillet le Centre Hospitalier Universitaire de Reims ne s’est pas prononcé sur l’arrêt des soins de Vincent Lambert. Le CHU de Reims, soutenu par la Ministre de la Santé, Marisol Touraine, explique en effet que « les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de la procédure ne sont pas réunies ».
A noter : l’intérêt de rédiger ses directives anticipées prend un sens encore plus important lorsque l’on apprend que 1500 patients sont maintenus en vie par l’alimentation ainsi que l’hydratation artificielle en France. La situation de Vincent Lambert n’est donc pas un cas isolé. Cette affaire a donc permis d’ouvrir le débat sur une problématique qui s’avère plus générale que l’on aurait pu l’anticiper.
Directives anticipées : choisir sa fin de vie ?
Selon les chiffres de l’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD), seuls 2,5 % des personnes mourantes ont écrit leurs directives anticipées.
« Si Vincent Lambert avait rédigé ses directives anticipées, nous n’en serions pas là » témoigne Jean-Luc Romero président de l’ADMD.
En effet, depuis la loi Leonetti tout citoyen majeur peut exprimer ses directives anticipées par lesquelles chacun stipule son refus d’un acharnement thérapeutique. Toute personne majeure et capable (c’est-à-dire en état d’exprimer sa volonté libre et éclairée au moment de la rédaction) peut rédiger de tels documents;
Cependant la loi ne propose pas à ce jour de modèle unique, ces dernières peuvent être posées par écrit sur une simple feuille blanche. Elles doivent néanmoins être datées, signées et mentionner les noms, prénoms, date et lieu de naissance. Le corps médical sera alors tenu de consulter la directive anticipée du patient qu’il aurait pu établir, moins de trois ans auparavant, dés lors que ce dernier se trouve dans l’incapacité de s’exprimer. Pour autant à l’heure actuelle les directives anticipées ne sont pas opposables, elle doivent être consultées mais ne doivent pas être imposées.
Le cas de Vincent Lambert cristallise depuis des années le sujet de l’euthanasie, illégale en France, bien que la loi Léonetti de 2005 permet de mettre un terme, dans un cadre précis fin à l’écharnement thérapeutique.
Affaire Vincent Lambert : son épouse désignée tutrice
Le jeudi 10 mars 2016, Rachel Lambert, l’épouse de Vincent Lambert a été désignée tutrice de son époux par le juge des tutelles de Reims (Marne). l’union départementale des associations familiales (UDAF) a été choisie pour l’assister, en tant que « subrogé tuteur ».
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Sources :
- Fin de vie – l’affaire Vincent Lambert
- Directives anticipées ou directives de fin de vie – L’Express
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