Journée Mondiale du Don d’Organes *** Et si demain vous vous retrouviez sur la liste d’attente des patients nécessitant une greffe d’organe ? Notre chroniqueuse Sophie est allée à la rencontre de Yolande Bertrand-Laborde, responsable de l’association France Adot 75, à l’occasion de la 10ème Journée Mondiale du Don d’Organes.
Don d’Organes : un don de vie
Le scénario décrit ci-dessus peut arriver à chacun d’entre nous. Une maladie, un accident, et puis le quotidien bascule et la gestion des priorités prend une toute autre allure.
Ce quotidien, c’est celui de milliers de familles en attente aujourd’hui d’un don d’organes. Ce n’est pas n’importe quel don, c’est celui qui occupe la place la plus intime, la plus vitale, la plus incroyable mais aussi la plus généreuse qui puisse exister quand on parle de « don de soi ».
Journée mondiale du don d’organes
Le don d’organes est un don de vie et rien d’autre. Parce que ceux qui ont choisi d’être donneur ont également choisi la vie.
Le 17 octobre se déroulera la 10ème Journée Mondiale du Don d’Organes. Promulguée en 2005 par l’Organisation Mondiale de la Santé, cette journée est consacrée à la solidarité, la communication et l’information sur le don d’organes.
France ADOT est une association regroupant des donneurs. La démarche de don d’organes est déjà faite, actée. La mission principale de cette structure est d’apporter à tous les citoyens une information et des éléments de réflexion pour que chacun puisse prendre sa décision et avertir ses proches. Ainsi, ils ne seront pas pris au dépourvu si une décision aussi sensible que celle-ci venait à se présenter. Les volontés du donneur seront respectées
Entrevue
Rencontre avec Yolande Bertrand-Laborde, responsable de l’association France Adot 75, pour faire le point sur les récentes évolutions en matière de don d’organes.
Testamento : Avec l’arrivée de la Journée Mondiale du Don d’Organes, quel bilan pouvez-vous tirer en cette fin d’année 2015 ?
Yolande Bertrand-Laborde : Depuis ces dernières années, le travail accompli porte ses fruits dans la mesure où les gens rencontrés d’une part ont déjà été informés, ou d’autre part acceptent d’être à l’écoute de notre démarche. Ceci n’était pas le cas il y a quelques années et c’était un sujet très difficile à aborder. Ces dernières années les gens sont un peu plus informés et internet est peut être un élément multiplicateur, surtout auprès des personnes plus jeunes.
Notre site a mis en place depuis quelques années la possibilité de demander sa carte en ligne et de la télécharger. Ce qui rend cette « formalité » beaucoup plus simple à accomplir.
Les chiffres progressent doucement mais sûrement.
Testamento : si les chiffres des donneurs progressent chaque année, ils restent néanmoins insuffisants par rapport au nombre de donneurs potentiels et surtout au nombre de volontaires qui ne donnent finalement plus leurs organes car la famille finit par s’y opposer le moment venu. Qu’est ce qui explique selon vous cette réticence ?
Yolande Bertrand-Laborde : « Le fait qu’il n’y ait pas suffisamment de donneurs n’est pas forcément corrélé à une réticence.
Oui, les chiffres des donneurs progressent. Les gens prennent une position, une décision, mais il y a plusieurs conditions à respecter pour que l’on puisse devenir donneur. Ces conditions sont tellement précises médicalement que ce n’est pas parce que l’on a dit «oui» que l’on sera prélevé.
Il est nécessaire qu’une mort encéphalique soit établie (cerveau complètement hors d’usage) mais que le corps soit encore en train de fonctionner grâce à des machines afin qu’il n’ait pas subi d’altération au niveau de l’irrigation et de l’oxygénation des organes.
Environ 300000 personnes meurent chaque année à l’hôpital, seulement 1 % des décès hospitaliers sont susceptibles d’être des donneurs.
Sur ces donneurs potentiels, il y aura encore des facteurs d’impossibilité de prélèvement (pathologie en sommeil, ordonnance de juge pour une enquête, malformation d’un organe…)
On peut également ajouter les personnes qui ne se sont pas exprimées et pour qui le personnel médical recherche un témoignage de proches selon l’obligation légale.
Environ 1500 personnes par an seulement pourront être prélevées.
Nous avons donc un rôle à jouer pour faciliter cette fluidité. Avertir ses proches, prendre position, s’exprimer et renseigner le fichier des refus s’il y a lieu. »
Testamento : comment pouvons-nous changer les mentalités ?
Yolande Bertrand-Laborde : « Quand une personne est en réanimation et que le corps médical juge que l’état de ce patient est irréversible, il est susceptible d’être un donneur. La loi stipule que le personnel médical doit effectuer une recherche auprès des proches.
La vision d’un corps sous assistance respiratoire est encore celle d’un corps vivant sur lequel les proches vont se projeter. Il est donc extrêmement délicat de recueillir un avis favorable de la part d’une famille qui n’avait pas connaissance des dispositions prises par le défunt.
C’est d’une grande violence pour les proches.
Nous demandons aux gens de s’exprimer sur le sujet pour ne pas être confronté à la violence de ce genre de circonstance.
Changer les mentalités, c’est se positionner en prenant dès à présent cette décision pour vous-même, face à votre famille. C’est excessivement cruel pour une personne touchée par un décès de se retrouver seule face à cette décision, et cela l’est également pour le corps médical. Imaginer la détresse d’un médecin en constatant la possibilité de prélèvement de plusieurs greffons qui permettraient de sauver des vies (un corps sain peut se faire prélever jusqu’à huit organes) et soudain la famille se rétracte. C’est tout un espoir de vie qui s’effondre pour ces hommes ou ces femmes qui se battent chaque jour contre la mort.
Changer les mentalités passe par la communication, pour gagner du temps et sauver des vies. »
Testamento : que pensez-vous de la loi de Marisol Touraine concernant le consentement présumé ?
Marisol Touraine précise qu’aucun prélèvement n’est effectué sans l’accord des familles. Toute personne vivante est dés à présent considérée comme donneuse d’organes lors de sa mort cérébrale sauf si elle s’y est préalablement opposée de son vivant dans le registre national des refus. La nouvelle loi prévoit que la famille sera désormais « informée » et non plus « consultée » de la possibilité de prélèvement d’organes.
Qu’en pensez-vous ?
Yolande Bertrand-Laborde : « Marisol Touraine veut revenir aux fondements de la loi. Elle considère que les gens qui ne se seront pas inscrits sur le registre national des refus seront d’accord pour se faire prélever par principe.
Des coordinateurs et coordinatrices hospitaliers sont formés pour accueillir les familles et leur expliquer le fonctionnement du don d’organes tout en menant un dialogue de fond auprès des proches pour estimer correctement la volonté du défunt. Leur rôle est de s’assurer que la famille se prononce avec une unanimité et qu’ils ne repartent pas traumatisés.
Si nous revenons aux fondements de la loi, le travail des coordinateurs se résumera à l’information simple auprès des familles, expliquant que le corps de leur proche est en passe d’être prélevé. Je vous laisse apprécier l’état de désarroi dans lequel se trouveront les familles ainsi que l’effet négatif qui ressortira de cette nouvelle loi. Le nombre de donneurs récupérables s’en trouvera largement compromis.
On ne peut pas imposer à une famille en état de choc une telle démarche. »
Testamento : Trouvez-vous que la médiatisation est suffisante, pensez-vous qu’il faudrait envisager des conférences sur le sujet auprès d’un public plus large, en l’occurrence des adolescents et des jeunes adultes, et ne pensez vous pas que cela reste un sujet assez tabou ?
Yolande Bertrand-Laborde : Depuis 1969 nous avons essayé plusieurs choses. Du côté des grands médias, c’est un peu compromis niveau budget à cause du coût trop élevé des spots publicitaires (NDLR : France ADOT ne reçoit aucunes subventions de l’Etat). L’agence de la biomédecine s’occupe de médiatiser le don d’organes lors des journées nationales.
Concernant ce public plus large, c’est-à-dire celui des adolescents, nous sommes sur le terrain 365 jours par an avec un agrément du Ministère de l’Education Nationale qui nous offre la possibilité d’intervenir dans les établissements d’enseignement.
France ADOT s’y rend chaque année avec les chefs d’établissement. Nous recevons un accueil très chaleureux de la part de cette population généreuse, ouverte et qui pose des questions intelligentes, c’est un sujet qui n’est absolument pas tabou au sein de cette génération beaucoup plus informée qu’elle n’en paraît. Le don d’organes est au programme de l’année de 3ème.
Lorsque l’on intervient auprès d’un public d’élèves mineurs, nous intervenons toujours en accord avec les associations de Parents d’Elèves et l’équipe éducative.
Testamento : Comment la révolution du numérique peut-elle vous aider dans votre action ?
Yolande Bertrand-Laborde : « Dès que nous avons pu avoir cette possibilité, nous avons construit ce site pour faire passer nos informations.
Ce site a grandi et embelli depuis plusieurs années et en plus d’une vocation d’information, il assure une grande cohésion entre toutes les structures départementales.
Pouvoir demander la carte en ligne et éventuellement pouvoir la télécharger et l’imprimer chez soi est un grand confort pour les personnes qui ont choisi le don d’organes. Leur investissement, leur choix est immédiatement matérialisé par la possession de cette carte de donneur.
Les réseaux sociaux nous offrent également la possibilité de communiquer à une échelle plus importante et toujours auprès d’un public de plus en plus jeune afin d’élargir notre champ d’action et faire tomber les tabous.
Il faut néanmoins que notre présence physique existe auprès de plusieurs publics pour les amener à consulter notre site internet. »
Le don d’organes : les chiffres de 2014
– Plus de 33% de refus de prélèvements sur des donneurs potentiels
– 5357 greffes en 2014 contre 5115 en 2013 (+4,6%)
– 20311 patients sont en attente d’une greffe
– 1655 personnes ont été prélevées sur un total de 3547 morts encéphaliques
– Reins : 13 232 greffes
– Foie : 1280
– Cœur : 423
– Poumons : 327
– Pancréas : 79
Testamento souhaite remercier chaleureusement Madame Yolande Bertrand-Laborde pour sa gentillesse et sa disponibilité.
A propos de France Adot
FRANCE ADOT est la Fédération des Associations pour le Don d’Organes et de Tissus humains. Elle a été créée le 30 juillet 1969 à l’initiative du Pr. Jean DAUSSET, Prix Nobel de médecine, par Maurice MAGNIEZ, Docteur en Pharmacie, sous le nom de FFDOT.
A leurs côtés, une poignée de volontaires, ni malades, ni greffés, ni médecins, ont voulu donner le départ au vaste mouvement connu aujourd’hui et qui a pour but de sensibiliser tous les publics à l’idée du don d’organes.
En 1990 la fédération devient FRANCE ADOT. Elle regroupe des structures départementales qui s’appellent toutes « France Adot » avec le numéro du département accolé.
Depuis 2000 la présidente est Madame Marie-Claire PAULET
Les bénévoles de FRANCE ADOT iront à la rencontre du public samedi 18 octobre
France ADOT ne reçoit aucunes subventions de l’Etat.
Source :
- Héritage, succession, en finir avec les tabous - 9 février 2021
- Les Journées Européennes du Patrimoine : transmettre un héritage collectif - 6 septembre 2020
- Combien coûte une concession funéraire ? - 4 juillet 2020